vendredi 10 septembre 2010

Another Day, Another Riot

Jeudi 09 septembre 2010
  • 19h49 Alors qu'on s'approche de l'Olympia avec Cléo, j'essaie de me rappeler pourquoi j'ai pris une place pour ce concert de Fever Ray et Zola Jesus. Ce n'est pas que je déteste ce qu'elles font, c'est juste que j'en ai tellement rien à foutre que je ne vois techniquement pas comment j'ai pu me laisser embarquer là-dedans.
  • 19h52 Il y a une queue interminable devant la salle. On aperçoit Dragz et les jumelles, ce qui nous permet de gratter environ 200m sur la file d'attente.
  • 19h54 Je remarque que Dragz a mis son t-shirt Def Leppard. Si il y a bien quelqu'un qui sait accorder à la perfection textile et contexte, c'est bien Dragz.
  • 20h19 On arrive enfin dans le hall de l'Olympia. On croise Nymphe, qui est coincée dans la file des accréditations, avant de tomber sur Tist visiblement circonspect face au prix de la pinte.
  • 20h20 J'explique à Tist que 7 euros la pinte, ça ne fait jamais que 3,50 euros le demi, c'est à dire finalement moins cher que le prix d'une Tsing Tao dans n'importe quel resto japonais, où elle est généralement servie tiède et dans des verres non-adaptés par des gens qui ne sont même pas japonais et qui en plus insistent toujours lourdement pour que tu prennes un dessert ou un café alors qu'ils viennent de te servir sans la moindre vergogne des trucs qui remplissent à 99% les critères des Relais Hépatite C mais que tu as pourtant mangé sans rechigner et qui plus est avec des couverts bon marché sur une table trop petite, dans une pièce mal éclairée et remplie aux deux-tiers d'abrutis.
  • 20h21 Définitivement convaincu, Tist prend une pinte.
  • 20h25 Si la bière est fraîche, que les gobelets sont aux normes, que les serveurs n'ont pas cherché à nous refourguer autre chose que ce qu'on est venu leur acheter, et qu'on bénéficie de toute la place que l'on est en capacité d'occuper, il n'en demeure pas moins qu'on est entourés d'un exceptionnel millésime de connards. A vrai dire, le public de ce soir est tellement criard et hétéroclite (hipsters, sous-directeurs de multinationale, metalheads, filles en robe de soirée, joueurs de rugby, agents d'assurance, motards, couples en bermuda, secrétaires, hippies, responsable de compte-clés) que je me suis demandé si ils avaient vraiment vendu des places pour ce truc, ou si ils avaient juste ouvert la porte de l'Olympia et fait rentrer les 2000 premiers badauds du Boulevard des Capucines intéressés par voir une petite gothique boulotte et une transformiste Suédoise.
  • 20h39 On décide d'aller voir les derniers morceaux de Zola Jesus. Le sol de l'Olympia colle toujours autant et l'audience est encore relativement clairsemée, même si ça a l'air déjà très compact au niveau des premiers rangs.
  • 20h44 Zola Jesus arpente la scène de long en large devant deux types en perfecto accrochés chacun à un petit clavier. Elle me fait penser à une de ces nanas un peu sales qui parlent toutes seules devant l'entrée des supermarchés. Cath dira plus tard qu'elle lui a trouvé des airs de jeune panda perdu, ce qui n'est pas faux non plus.
  • 20h45 Musicalement, c'est quand même un poil moins insupportable que sur disque, même si ça reste parfaitement atroce : on dirait Siouxsie qui reprend U2 période Rattle & Hum avec le matos de Blank Dogs.
  • 21h04 Les lumières se rallument et on commence à voir apparaître des têtes connues un peu partout :  Garance, Teddy, Cath, Steph, Xavier d'Overmars et -totalement improbable mais finalement on ne peut plus logique- Y., weirdo-freako de catégorie F dont j'ai fait la connaissance il y a une quinzaine d'années, présent dans tous les concerts et festivals du Système Solaire, qu'il enregistre grâce à un barda high-tech relativement sophistiqué planqué dans sa ceinture, et dont j'ai d'ailleurs parlé dans l'article sur les bootleggers que j'ai écrit pour le dernier Tsugi.
  • 21h49 Les lumières se sont éteintes à nouveau, il y a plein de fumée et de lampadaires sur scène, les gens crient comme des animaux qu'on égorge.
  • 21h50 Dans la pénombre, on distingue vaguement Karin Dreijer Andersson -visiblement affublée d'un large chapeau- et ses musiciens chauves.
  • 22h11 Bizarrement, quand elle se tourne, son chapeau a l'air d'être collé sur sa figure.
  • 22h37 La fumée commence à se dissiper. En fait, Karin Dreijer Andersson porte un déguisement grotesque qui ressemble à une version plus épaisse de celui de Jacques Villeret dans La Soupe Aux Choux, sauf qu'il est noir au lieu d'être jaune et que les petites boules rouges sur les oreilles sont plus grosses et en damier noir et blanc.
  • 22h39 Il s'avère que ses musiciens ne sont pas non plus chauves, ils portent juste des masques de types bizarres aux oreilles pointues, comme les Olmeks dans Les Mystérieuses Cités D'Or.
  • 22h42 Après trois quarts d'heure de fumée et de lampadaires qui s'éteignent et s'allument, Karin Dreijer Andersson nous ressort les éclairages laser géométriques de la dernière tournée de The Knife.
  • 22h43 La seule différence c'est que là, ça tombe complètement à plat.
  • 22h44 Je viens de me souvenir pourquoi j'ai accepté de venir à ce concert : j'adore The Knife. Surtout sur scène. Et c'est aussi la raison pour laquelle je n'aime pas Fever Ray. Surtout sur scène. J'ai l'impression de regarder un reportage sur les baleines ou une comédie musicale qui en serait à sa 500ème représentation. Trop chiant et aseptisé pour vraiment rentrer dedans, pas assez pénible ou ridicule pour retourner au bar.
  • 22h45 Visiblement, le type et la nana qui viennent de se placer juste à côté de moi après avoir bataillé pendant de longues minutes à travers la foule pour trouver une place correcte doivent s'emmerder plus que moi vu qu'ils se mettent à parler très fort de leur soirée de la veille au resto.
  • 22h47 Je bouge 20 mètres plus loin. Je n'aime pas Fever Ray, mais j'aime encore moins les étudiants en droit qui parlent de soirées resto sans même avoir la décence d'en profiter pour ragoter sur leurs potes ou d'étaler éhontément leur désastreuse vie sentimentale.
  • 22h49 Je retombe sur Tist qui me dit qu'il se sent comme un totem érotique. Visiblement, il est au taquet.
  • 22h50 Le concert se termine.
  • 23h00 On retrouve petit à petit tout le monde dans le hall. Apparemment, Cléo et moi sommes les seuls à ne pas avoir aimé. Bizarrement, on est aussi les seuls à avoir vu The Knife.
  • 23h11 Dragz et les jumelles rentrent parce qu'ils se lèvent tôt le lendemain, par contre Tist et Garance sont à bloc. Les négociations commencent pour savoir où aller finir la soirée. 
  • 23h30 On finit par enfin décoller de devant l'Olympia sans avoir rien décidé de l'endroit où aller. Garance propose d'improviser, Cath et Steph nous suivent.
  • 23h45 Après 15mn passées à errer dans le quartier, on réalise qu'à part des rades hors de prix avec Karaoké et/ou Jam Session et des bouges qui sont fermés depuis 22h30, il n'y a strictement rien. 
  • 23h49 En remontant vers Quatre Septembre, on passe devant un minuscule bar à vins sans nom qui semble de toute évidence ouvert. Garance aperçoit deux chatons qui jouent devant le comptoir. Comme Garance adore les chatons et qu'on commence a en avoir gentiment marre de tourner en rond, on décide de s'arrêter là.
  • 23h51 Le bar est vide à l'exception des deux tôliers, occupés à nettoyer des verres avec un chiffon. Celui de gauche est un crossover entre Emile Louis et Fabrice de RTL. Il porte un polo bleu et semble chercher à fusionner avec un coin du comptoir. Celui de droite est plus jeune. Il est impeccablement coiffé, porte d'énormes lunettes, se tient droit et porte une chemise manches courtes très ajustée à motifs camouflage.
  • 23h53 Jouant avec les limites de mes automatismes uro-vésicaux depuis plus d'un quart d'heure, je demande immédiatement où sont les toilettes. Le barmen avec la chemise camouflage m'indique deux marches qui mènent à une porte grillagée.
  • 23h54 J'ouvre la porte grillagée et me retrouve dans une cour extérieure tout juste éclairée où je distingue un genre de petite cabane abritant des WC à la turque.
  • 23h55 Je pisse. C'est doux.
  • 23h57 Quelqu'un frappe à la porte des gogues. Tout à coup je réalise que : bande de gens perdus en environnement hostile + lueur dans la nuit + bar vide + présence de chatons + tôliers douteux qui nettoient des verres avec un chiffon + toilettes cradingues au fond d'une cour = la base de 92% des survivals de ces 40 dernières années. Quelque chose me dit que j'ai bien fait de profiter de ce court instant de réplétion urinaire car c'était sans doute le dernier.
  • 23h58 En fait, c'est juste Tist.
  • 23h59 Il me dit qu'il y a des affiches de la Légion Etrangère plein le bar.
  • 00h02 En retournant au comptoir, je réalise qu'effectivement, les murs du lieu sont exclusivement dédiés aux slogans de la Légion et à une poignée de symboles que l'on qualifiera pudiquement de partisans.
  • 00h05 Très douée pour communiquer un maximum d'informations en un minimum de mots, Garance réussit à me signifier par une discrète feinte de narine un truc immédiatement traduisible par "ok, on est tombés dans l'antre du Diable et on va sans doute mourir avant l'aube mais putain la pinte est à 5 euros !"
  • 00h07 Histoire de mettre un peu d'ambiance, le barman qui ressemble à Emile Louis et Fabrice de RTL met Melody TV à fond. Steph est ivre de bonheur.
  • 00h11 Légèrement incommodée par un enchaînement un rien brutal entre un sketch de Thierry Le Luron et un play-back de Toto Cutugno circa 1984 , Cath se dirige vers la sortie pour fumer une cigarette lorsque le barman à la chemise camouflage la rattrape et lui sort avec un sourire aigre "on peut fumer à l'intérieur ici, on est pas chez les bobos."
  • 00h13 Deux nouveaux clients font soudainement irruption dans le bar : un jeune type patibulaire en anorak et une adolescente qui sent bon le fait divers rural. Visiblement, ce sont des habitués.
  • 00h16 La fille se met dans un coin avec un ordinateur portable et regarde des vidéos de gamins qui font de la luge. Le type qui l'accompagne entame avec le barman à chemise camouflage une discussion dont on n'entendra distinctement que deux mots : "partouze" et "Thaïlandais". Tist décide que c'est le bon moment pour aller cuisiner l'autre barman sur la Légion.
  • 00h19 Le barman fait poliment comprendre à Tist qu'il n'a pas envie de parler de la Légion. La fille dit un truc à Tist. Le jeune type patibulaire lui lance "parle pas aux mecs, toi". Il y a un court silence et on entend alors clairement le barman en chemise camouflage finir sa phrase en cours par "arabes homosexuels". 
  • 00h20 On finit nos verres d'une traite, laisse ce qu'il faut de monnaie sur le comptoir et trace fissa vers la sortie.
  • 00h21 Le barman à chemise camouflage nous barre le chemin.
  • 00h22 Apparemment, quelqu'un a oublié de régler.
  • 00h23 On se regarde avec désormais  la certitude absolue que nous allons être exécutés les uns après les autres.
  • 00h25 Garance leur montre un billet de 5 euros resté sur le comptoir. Les deux barmen observent le billet en grognant. On profite de la diversion pour disparaître dans la nuit.
  • 00h27 Arrivés à Bourse, on se sépare non sans que Garance nous ait fait remarquer que les deux chatons étaient quand même super mignons.
  • 00h30 Il est minuit 30. Comme chaque jour de semaine depuis bientôt dix ans, Paris vient de fermer.

      7 commentaires:

      1. Je ne pensais pas que ça arriverait un jour... mais, l'amertume au bout de la langue, le ventre noué, le regard fou, je dois le reconnaître : LJB n'a pas eu à exagérer quoi que ce soit cette fois. Et ça, c'est effrayant.

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      2. Yeah, ce concert était trop cool!

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      3. Effectivement, une mémorable soirée avec Fever Cutugno ( Zola Le Luron, c'est au choix) en bande son...

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      4. Ça en jette un max.
        Je t'encourage à faire ce genre de report plus souvent.

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