dimanche 30 septembre 2012

On repeat

samedi 29 septembre 2012

Johnny Sampson X The American Scream


Affiche de Johnny Sampson pour The American Scream, documentaire de Michael Stephenson sur les maisons hantées. Sérigraphie 24" X 36" limitée à 130 exemplaires, disponible ici.

vendredi 28 septembre 2012

On repeat


jeudi 27 septembre 2012

J'irai verser du Nuoc-Mam sur tes tripes #1


Version digitale et multi-cliquable de la première sélection J'irai verser du Nuoc-Mam sur tes tripes parue dans New Noise #12, en kiosques depuis une dizaine de jours. 
C'est désormais via cette rubrique que je publierai l'essentiel de mes chroniques de disque pour le magazine. D'abord parce que je pense qu'il n'y a pas besoin de plus de trois ou quatre phrases pour parler d'un disque. Ensuite, parce qu'à l'heure où les reformations et les néo-dinosaures occupent la majeure partie du terrain (y compris dans New Noise), il me semblait important de prendre position de manière un peu plus concrète et appuyée.


J'IRAI VERSER DU NUOC-MAM SUR TES TRIPES #1
Septembre/Octobre 2012

Vous trouverez ci-dessous les références de sept disques enregistrés par de jeunes groupes ayant entre 2 et 6 ans d’existence.

Ces groupes n’ont sorti aucun disque durant les années 90, n’ont pas splitté et ne se sont pas reformés.

Ce sont des groupes de leur temps et de leur espace, qui n’ont ni légende, ni souvenirs à vendre, mais dont la musique traduit très clairement deux sentiments : l’urgence et l’envie de se battre torse nu contre des panthères dans la jungle cambodgienne.

Ces disques sont, dans l’ordre alphabétique :


Cut Sleeves, le premier album de BITS OF SHIT. Sachant que le groupe vient de Melbourne, qu'il s'appelle "Morceaux de Merde" et qu'il y a un Jack Russel en chemise à manches frangées sur la pochette, je ne vois pas exactement ce que je pourrais vous dire de plus pour vous convaincre d'acheter leur disque. Que ça sonne comme une version ultra-rapide et super pissed-off de Eddy Current Suppression Ring, que le son de basse doit être en mesure de provoquer des elephantiasis du scrotum à distance, que les morceaux durent 1mn45 en moyenne et que "Tallys World" est un des titres les plus jouissifs et définitifs de l'année ? Si vous y tenez. (Homeless)  

Reflecting The Light, le deuxième album de BLACK BUG, ex-duo-synthpunk suédois désormais mené seul par le chanteur/guitariste/clavier Johan, qui en a profité pour déménager à Bordeaux et abandonner son ancien pseudonyme (Ruslav). Exit donc les hurlements de Lily (ex-chanteuse/clavier) et la mitraille ininterrompue du génialissime premier LP : Reflecting The Light donne davantage dans le malaise urbain, les grondements synthétiques, les poursuites en sous-sol et la terreur transalpine façon Fabio Frizzi ou Francesco De Masi ("Delta", "Onskestenen" ou le déjà connu "Nightstick"), émaillés ici et là de coups de sang magistraux (le très Blank Dogs "Untitled" et surtout l'énormissime "You Scream" qui ouvre le disque). A noter que le disque sort parallèlement chez HoZac aus USA et que la nouvelle formation live du groupe -qui se produira le 5 octobre à Paris (Mains d’œuvres)- comprend le bassiste et le clavier de La Secte Du Futur. (XVIII Records)  

Faraway Land, le troisième album de J.C. SATÀN, fierté de Bordeaux, France, meilleur groupe live de la zone euro et référence mondiale en matière de pop motocross et multi-sexes. Le modus operandi est toujours calqué sur celui d'Eric Masters, le peintre/truand de To Live And Die In L.A. de William Friedkin, qui brûlait ses toiles une fois qu’elles étaient achevées. Après un premier album très rapidement réduit en cendres, c’est donc aujourd'hui au tour du pourtant impeccable Hell Death Samba de partir en fumée, carbonisé net par ce Faraway Land proprement bestial, qui marque une nouvelle étape dans le parcours de la maison Satàn. Un disque ambitieux, excessif, infernal, qui surprend souvent ("Legion", "Dragons", "Damnation"), étonne parfois ("Faraway Land") mais impressionne de bout en bout ("Believe Me" ou le définitif "More Power"). Très clairement une des beignes les plus féroces et fondamentales de 2012. (Teenage Menopause/Differ-Ant)

Le premier album de MIDNITE SNAXXX, intelligement baptisé Midnite Snaxxx. Un disque et un groupe comme on pensait ne plus jamais en voir : nom parfait, suprême dégaine (trois mexicaines XXL tout droit sorties d’une BD de Jaime Hernandez, du genre à marauder sur East LA au volant d'une Dodge Demon chichement entretenue avec un poing américain planqué dans leur paquet de marshmallows), patronymes de feu (Dulcinea Gonzales, Renée Leal et Tina Lucchesi), CV discret mais solide (des ex-Loudmouths, Trashwomen, Bobbyteens et LaTeenOs) et surtout 15 morceaux de pur bubblegum punk aux mélodies irréelles (inutile de citer quoi que ce soit, TOUT est à tomber) qui n'ont pas besoin d'être écoutés, considérés ou appréciés tant ils vous CONTAMINENT littéralement. Ravage intégral. (Red Lounge)  

1982 : Dishonorable Discharge, le deuxième album de PUFFY AREOLAS, un des groupes les plus brûlants, sauvages et viscéraux jamais sortis de l'Ohio. Si votre idée du bonheur absolu est d’écouter simultanément Fun House des Stooges, Damaged de Black Flag et Space Ritual de Hawkwind par 46°, de nuit, dans un bar à putes de Saïgon circa 1971, vous tenez le disque de votre vie. Lourd comme le son de la pluie sur les feuilles de manguier entre deux rafales de PPS-43, beau comme le son des dernières gouttes de pisse sur une pile d’exemplaires invendus de Vox Pop. Ultime (HoZac)


Le premier album de RØSENKØPF, trio New-Yorkais qui remonte l’autroroute post-goth des années 2010 à contre-sens et fait disparaître l’intégralité du catalogue Sacred Bones, les petites marchandes de misère mystique (oui, Chelsea Wolfe c'est de toi que je parle) et ce qu’il restait de la Witch House, dans une salutaire purée de tripes et de cartilage. 6 titres brûlants, raides et malfaisants, entre death rock canal historique et new wave tribale. Hautement recommandé. (Wierd)

C’est Bon!, le deuxième album de USELESS EATERS, one-man band de Nashville, Tennessee dont les disques sonnent comme des chefs d’œuvres oubliés de 1978. Il suffit d'écouter "Daft Love": tout est là, résumé en 1 minute et 48 secondes. Total savatage, maximum weirdness et le son le plus pourri de toute l’Histoire de l’électricité. Les plaisirs simples de la vie. (Southpaw)

mercredi 26 septembre 2012

Moissons rituelles des pénitents de l'éternelle damnation : Redux

Photo : Tibo - Room72

Vacances oblige, c'est avec une dizaine de jours de retard que j'adresse publiquement un big up au public de très haute qualité (bizarrement, les gens avaient l'air d'être venus pour voir les groupes, c'est assez rare pour être noté) qui s'est déplacé le 14 septembre dernier pour le troisième épisode des soirées New Noise vs J'irai verser du Nuoc-Mam sur tes tripes.

Un hyper-wink-double-nudge également à l'équipe du Trabendo (très clairement le staff le plus friendly et compétent auquel j'ai pu avoir à faire à ce jour), aux DJs (Froos de Teenage Menopause, Seb de Eighteen Records, Ben du Tiki Lounge et l'infatiguable JB de dDamage), à Lonely Walk (qui ont gentiment défoncé tranquille en loucedé par surprise, malgré le public clairsemé en début de concert), Amen Dunes (que je n'ai pas vu, awfully sorry), Crash Normal (carnage as usual) et The Men, qui ont enfin donné un concert à la hauteur de leur réputation, après deux dates très moyennes à l'Espace B et aux Instants Chavirés (la présence de leur bassiste -Ben Greeneberg, rescapé de Pygmy Shrews, et absent des deux dates pré-citées- n'y étant pas exactement pour rien). 

Prochain épisode le 16 novembre avec, cette fois-ci, un nouveau line-up, un nouveau lieu et de nouveaux horaires, puisque nous accueillerons La Chatte, Trésors et 2Kilos &More pour une triple release party de 20h à 4h, au Point Ephémère, dans le cadre du festival Musiques Volantes (où se produiront également The Soft Moon et Action Beat). Détails et line-up complet soonish.

vendredi 7 septembre 2012

jeudi 6 septembre 2012

On repeat



mardi 4 septembre 2012

Jon Savage


Interview avec Jon Savage réalisée en novembre 2010 à l'occasion de la sortie de la compilation Black Hole - Californian Punk 1977-1980, et parue dans le n°2 de New Noise (janvier/février 2011).

JON SAVAGE

Vague à lames

Journaliste, écrivain, DJ, artiste, Jon Savage est l'un des derniers grands piliers de la culture populaire en Angleterre. Autorité incontestable en matière de punk rock (est-il nécessaire de rappeler qu'on lui doit le fondamental England's Dreaming ?), il publie aujourd'hui Black Hole - Californian Punk 1977-1980, compilation aussi personnelle qu'irréprochable consacrée à la première vague punk californienne, celle des Germs, de X, des Weirdos, des Screamers et des chaudes heures du magazine Slash. Retour sur une scène surfant entre désespoir et flamboyance et un des versants les plus sinueux et chaotiques du punk rock de la fin 70.

Comment t'est venue l'idée de ce disque ?
J'avais réalisé une première compilation pour Domino il y a deux ans (Dreams Come True - Classic Wave Electro 1982-1987) et ça s'était vraiment très bien passé avec le label. On avait adoré travailler ensemble. Du coup, ils m'ont demandé si j'avais d'autres idées pour une éventuelle sortie dans le même genre, et je leur ai proposé Black Hole. Ça faisait longtemps que je voulais mettre sur pied une compilation consacrée au punk californien. J'ai passé plusieurs mois à Los Angeles en 1978, où j'ai eu l'occasion de rencontrer et de voir des groupes comme les Weirdos, les Screamers, les Germs ou The Middle Class. Des groupes dont personne ne parlait en Angleterre à l'époque, déjà parce que leurs disques n'étaient pas disponibles de ce côté-ci de l'Atlantique, et ensuite parce que le punk était alors considéré comme un phénomène principalement anglais et que personne ne voulait réellement prendre au sérieux des groupes punk originaires de Californie. Mais pour moi, le punk devait définitivement être considéré sous un angle international et j'ai commencé à lire les fanzines en provenance de la côte Ouest des USA : Bomp!, Search And Destroy et bien sûr Slash, qui était mené par ton compatriote Claude Bessy. J'ai très vite commencé à écrire pour eux et, comme ils n'avaient pas d'argent, ils me payaient en 45-t, ce qui était finalement bien plus avantageux pour moi, vu que les disques des groupes de L.A. étaient aussi fabuleux qu'introuvables ! J'ai ainsi eu accès à la quasi-intégralité des sorties punk de l'époque. En Europe, aujourd'hui encore, la plupart des gens résument le punk californien au hardcore, à Black Flag, aux Circle Jerks, à Fear. Mais ce qu'ils ignorent souvent c'est qu'avant cela, il y a eu des tas d'autres groupes absolument géniaux.


Y avait-il des similarités entre ce qu'il se passait à L.A. et ce que tu avais connu à Londres, deux ans plus tôt ?
Oui, quelques-unes... Mais ça restait deux endroits très différents, avec des tempéraments différents, un climat différent, une façon de vivre différente... La différence majeure résidait cependant dans le fait que, contrairement à l'Angleterre, où les médias s'intéressaient énormément aux groupes punk, personne ne voulait entendre parler d'eux à Los Angeles. La scène punk californienne était vraiment considérée par la presse et la télévision comme un truc de parias et de dégénérés. Et puis, ils avaient ce sens de l'humour à la fois très dur, très sombre et totalement excessif. Ils étaient beaucoup moins subtils que les anglais, plus directs, plus frontaux. J'adorais ça.

Que ce soit dans tes articles, tes livres ou tes compilations, il y a toujours cette fascination pour la jeunesse et les mouvements qu'elle génère. C'est un sujet qui semble t'intéresser autant, sinon plus, que la musique elle-même. Comment étaient les jeunes que tu as rencontrés à L.A. à la fin des années 70 ?
Eh bien, ils ressemblaient beaucoup à ceux que j'avais pu rencontrer précédemment à Londres ou Paris. Des marginaux, des gamins plus ou moins paumés, furieux, énergiques, passionnés. Avec cela de différent qu'il y avait une bien plus grande diversité de styles et de personnalités chez les punks de Los Angeles. On y croisait aussi bien des bohémiens, des élèves d'école d'art, des prostitués homosexuels, des filles hyper menaçantes, des cinglés, des Mexicains à peine majeurs. Ils avaient tous ce petit quelque chose... Un gros, gros grain de folie, un truc qui flirtait avec le malsain, une véritable envie d'abandon, que je n'ai jamais trouvé chez aucun groupe en Europe. Mais c'était aussi un milieu dans lequel il y avait énormément de frustrations, de non-dits et de fêlures... Darby (Crash, chanteur des Germs) était un garçon extrêmement tourmenté, qui avait de gros problèmes d'identité. Il était gay, mais à l'époque à L.A., dans la scène punk, ce n'était pas un sujet que l'on pouvait aborder. On n'en parlait pas, certains le niaient même. Tommy Gear et Tomata Du Plenty des Screamers étaient également homosexuels et ils faisaient absolument tout pour le cacher. Ça peut sembler très étrange avec le recul, d'autant plus qu'ils savaient que j'étais gay moi aussi et qu'on traînait souvent ensemble lorsque j'étais là-bas... Quand tu vois comment un groupe aussi génial que les Screamers a pu se désagréger, comment un type aussi brillant que Darby Crash a pu sombrer dans la drogue au point de se donner volontairement la mort, tu ne peux pas t'empêcher de dresser un lien entre tous ces éléments...

Darby Crash

Ce qui explique pourquoi tout cela n'a malheureusement duré que deux ans, tout au plus. La scène punk de L.A. a ensuite glissé vers quelque chose de plus brutal, de plus négatif, avec l'arrivée du hardcore et de groupes comme Fear ou Black Flag. Un aspect que tu as totalement, et j'imagine délibérément, mis de côté dans Black Hole.
Oui. Déjà parce que rien qu'avec la période pré-1980 j'avais suffisamment de morceaux, et ensuite parce que je n'aime pas le hardcore. Et comme c'est ma compilation, je mets ce que je veux dessus (rires) Ce qui me plaisait dans la scène punk de Los Angeles c'était le fait qu'il y avait beaucoup de filles et d'homosexuels. À partir du moment où le hardcore a débarqué et où c'est devenu une affaire de mecs hétéros bourrés de testostérone, ça a cessé de m'intéresser.

Il manque cependant quelques groupes essentiels de la première vague punk californienne sur Black Hole. Je pense notamment aux Plugz.
Oui, je n'ai malheureusement pas pu mettre tout le monde. L'absence des Plugz n'est pas du tout délibérée en revanche, c'est vraiment une histoire de place. Idem pour les Nuns, que j'aurais également voulu ajouter à la tracklist. Mais bon, il a fallu faire un choix.

C'est justement ce qui fait tout l'intérêt de cette compilation. Ce n'est pas une anthologie, ça reste quelque chose de très personnel. J'ai beaucoup aimé par exemple le fait que tu démarres le disque sur "Forming" des Germs qui est un peu l'anti-morceau d'ouverture par excellence (rires)
Oui, pour quelqu'un qui découvrira toute cette scène pour la première fois, cela pourra sembler très incongru comme choix. Mais pour moi c'était complètement évident, puisqu'il s'agit du tout premier single punk de L.A. que j'ai eu entre les mains. C'était d'ailleurs le tout premier single punk californien tout court, si je ne m'abuse. Quoi que non, je crois que les premiers 45-t de Crime sont sortis avant celui des Germs.

Tommy Gear & Tomata Du Plenty (Screamers)

Un peu avant, oui. Pour accompagner cette interview, j'ai écrit deux petits articles. Le premier est consacré à Claude Bessy, et le second aux Screamers, avec qui tu as pas mal traîné à l'époque il me semble.
Oui, j'ai fréquenté pas mal de groupes à Los Angeles grâce à Claude Bessy justement, qui m'a présenté à peu près à tous les groupes et les divers acteurs du mouvement durant mon séjour là-bas. Les Screamers en faisaient partie. Ils étaient absolument horribles, totalement ingérables. Du coup, j'étais moi aussi absolument horrible et totalement ingérable avec eux, ce qui fait qu'on est très vite devenus amis (rires). Je suis notamment allé avec eux à San Francisco pour le tournage d'une série de vidéos. Tu peux d'ailleurs me voir sur l'une d'entre elles, "122 Hours Of Fear", qui est disponible sur YouTube. Ces vidéos sont vraiment intéressantes, notamment parce qu'elles permettent de voir que Tomata Du Plenty (le chanteur du groupe) était extrêmement influencé par l'art performance, qui, on l'ignore souvent, a été une importante source d'inspiration chez les punks. C'est quand même dingue quand tu y penses, que ce groupe qui n'a finalement jamais sorti aucun disque, soit aujourd'hui partout sur YouTube…

C'est d'autant plus ironique que c'est justement leur fascination pour la vidéo qui a fait imploser le groupe, avec l'arrivée de René Daalder, le tournage de Population: 1, tout leur délire autour des concepts vidéo...
Les Screamers réfléchissaient beaucoup trop à tout ce qu'ils faisaient... Ils n'ont par exemple jamais voulu sortir de 45-t sur Dangerhouse. Ils préféraient se réserver pour un plus gros label, un plus gros contrat... Mais ils étaient tellement bizarres ! Quel major aurait voulu les signer ? (rires) D'ailleurs, mis à part X qui ont fini par signer sur Elektra après deux albums, aucun groupe de cette scène-là n'a jamais intéressé de major.

Exene Cervenka (X)

X était clairement le seul groupe qui en était capable de toute façon. Outre le fait que c'était un super groupe, ils avaient aussi un son plus accessible, ils étaient produits par Ray Manzarek des Doors...
Ce qui était assez logique finalement, puisque tous ces groupes n'étaient rien d'autre que la descendance dégénérée des Doors (rires) J'aime beaucoup Los Angeles, le premier album de X. Le passage sur les homosexuels au début du morceau-titre - "she started to hate/every homosexual and the idle rich" - me gêne toujours un peu, mais je sais qu'ils font allusion au versant mainstream de la culture gay de l'époque, à tous ces types faussement outrageants. Le punk rock est toujours allé à l'encontre de la culture mainstream et ça impliquait aussi la culture mainstream gay. Il n'y avait pas de raison qu'on ne s'en prenne pas à eux (rires)

Tu as vu The Decline Of Western Civilization, le film de Penelope Spheeris dans lequel ils apparaissent avec les Germs, Claude Bessy, les Bags, Black Flag, les Circle Jerks et Fear ?
Oui, bien sûr. Mais ce film témoigne du moment où la scène punk originelle commençait à glisser vers le hardcore. Mes groupes favoris comme les Weirdos, The Middle Class, les Screamers ou les Sleepers n'y figuraient pas, malheureusement (rires)

Tu ne m'as pas parlé de Gary Panter, le dessinateur de Jimbo qui a fait ses débuts dans Slash. Tu ne l'as jamais rencontré ?
Non, jamais, et c'est bien dommage. Cela dit, je connais très bien la personne qui possède l'original du logo des Screamers, celui avec la tête hurlante, que Gary Panter a dessiné. Pour moi, c'est la plus belle œuvre d'art qu'ait produite la scène punk, rien de moins. C'est vraiment un logo génial.

Penelope Houston (Avengers)

Après ton séjour à Los Angeles et le déclin de la scène punk, tu as continué à fréquenter Claude Bessy.
Oui, c'est devenu un ami très proche. En 1982, il est venu s'installer à Manchester et on a travaillé ensemble à la Haçienda durant plusieurs années. Il était VJ et moi DJ. On passait nos soirées à se faire des crasses dans la cabine de mixage (rires) On était dans un état assez désastreux à l'époque. Il faisait ses montages de vidéos pornos et de films gore qu'il projetait dans le club, et moi je passais "I'm Sick Of You" d'Iggy Pop six fois de suite ou bien je jouais ce disque de Burroughs sur lequel il lit des extraits du Festin Nu. Et ça pouvait durer des heures ! C'était horrible (rires) Mais Claude trouvait ça génial. Ensuite, il est parti vivre en Espagne, mais j'ai continué à le voir très régulièrement, jusqu'à son décès en 1999.

Est-ce que tu t'es intéressé aux groupes qui sont apparus à Los Angeles durant les 80 et qui reprenaient justement les choses là où les avaient laissées les punks originels ? Je pense à des groupes comme Savage Republic ou Jane's Addiction.
Oui, bien sûr ! Les premiers singles de Savage Rebublic étaient fantastiques et j'adore Ritual De Lo Habitual de Jane's Addiction. Je les ai vus en 1990 au Marquee, c'était brillant. Voilà un groupe qui avait su retrouver la flamme des premiers punks de L.A., avec leur look de prostituées gitanes et leur musique qui sonnait comme un croisement moderne entre X et les Germs. Ils étaient géniaux.

The Bags

Tu as écrit pour Sounds, le Melody Maker ou The Face à l'époque où ces revues se vendaient à plusieurs dizaines de milliers d'exemplaires. Quel regard portes-tu sur la presse en 2010 ?
Je ne suis sûr que d'une chose : les gens auront toujours envie de lire et d'écrire sur la musique. C'est un vecteur de communication incroyable. Mais les choses évoluent et il faut savoir s'adapter à son époque. En Angleterre, on en est arrivé au point où Mojo vend plus que le NME. C'est complètement dingue quand tu y penses ! Mais c'est parfaitement logique. Le NME était un très bon magazine dans les années 60, 70, 80, et au moins une petite moitié des années 90. Mais aujourd'hui, c'est un torchon. Alors que Mojo, quoi qu'on en pense, est écrit par des gens qui connaissent leur sujet et savent ce qu'ils font.

Je pense qu'aujourd'hui, le créneau à prendre, c'est celui de l'hybride entre livre et magazine.
Exactement. Pour que les gens sortent leur porte-monnaie, il faut que tu leur proposes autre chose que ce que leur propose internet. Ils veulent quelque chose qui leur en donne pour leur argent, un truc dans lequel ils peuvent se plonger à 200%, qui leur apprenne vraiment quelque chose. Pour lire un magazine comme Mojo, il te faut plus d'une heure. Ce n'est pas un truc que tu lis dans le métro entre deux stations.

Tu suis toujours l'actualité musicale aussi assidûment qu'il y a 30 ans ?
Oui, bien sûr. C'est juste que j'y trouve de moins en moins de choses qui me fascinent vraiment. Je continue à être étonné par la musique électronique. J'adore Plastikman et les différents projets de Richie Hawtin. J'adore ce que sortent des labels comme Kompakt. Mais j'ai vraiment beaucoup de mal avec les nouveaux groupes de rock, parce que j'ai connu le rock à une époque où il était vraiment bon, où il signifiait vraiment quelque chose de très, très fort. Tout ce que j'entends aujourd'hui, c'est de la photocopie. Si j'avais 20 ans, bien sûr, ce serait différent. Mais je reste positif. Je ne demande qu'à être surpris. Qui sait ce qui peut arriver dans les années à venir ? Regarde, toutes ces manifestations en France et en Angleterre ! Ça ne peut être que bon signe. Ça peut déboucher sur des choses intéressantes. Les adultes doivent toujours écouter avec la plus grande attention ce que les jeunes ont à dire. C'est primordial.

Pour terminer, peux-tu me parler de tes projets en cours ?
En ce moment, je prépare un documentaire sur mon livre Teenage. Je travaille dessus avec Matt Wolf, un réalisateur américain qui est notamment l'auteur de Wild Combination, le film sur Arthur Russell sorti il y a deux ans. J'ai également un nouveau livre en chantier, qui est en fait un recueil d'essais sur l'année 1966. Je travaille aussi sur de nouvelles compilations, et sur une exposition. J'en ai fait deux l'an dernier, une sur Joy Division et une autre consacrée à mes propres tableaux à New York, et j'ai envie de développer un peu ça. Bref, je vais avoir de quoi me tenir occupé. Et c'est important pour moi d'être occupé en permanence. Parce que quand je ne le suis pas, j'ai tendance à faire des conneries. De grosses conneries (rires)


BLACK HOLE Californian Punk 1977-1980
(Domino/PIAS)