lundi 12 juillet 2010

La Meute (Frank Richard, 2010)

Comme certains le savent probablement, Frank Richard, le réalisateur de La Meute, a longtemps fait partie du noyau dur de la rédaction de Noise, notamment au travers de ses précédentes incarnations Versus et Velvet. Il pourra donc se révéler extrêmement difficile pour une partie de l'équipe du magazine (à commencer par Olivier Drago, les jumelles Denis ou Françoise Massacre, tous amis proches de Frank Richard et d'ailleurs remerciés nommément au générique du film) de parler de La Meute sans qu'on ne vienne sévèrement remettre en question leur nécessaire impartialité. Ce sera en revanche nettement plus simple pour moi. Déjà parce que, même si l'on se croise ou que l'on s'échange des mails de temps à autres, je connais assez peu Frank. Ensuite parce que je n'ai pas exactement été emballé par La Meute, ce qui devrait logiquement me préserver de toute condamnation pour copinage aggravé.


Que les choses soient claires, La Meute n'est pas un mauvais film. A vrai dire, le premier long-métrage de Frank Richard est même très clairement une des meilleures choses qui soit jamais sortie du purulent sillon de terror-flicks francophones qui ravage la terre des justes depuis le début des années 2000 et qui, entre le pathétique Haute Tension (et son twist COTOREP) et le très judicieusement nommé Calvaire (tellement forcé qu'on croirait du Wes Anderson) n'avait cela dit pas mis la barre très haut à la base. En fait, La Meute est juste un gâchis monumental. Un anarchique terreau de fausses bonnes idées, de purs moments de fulgurance, de personnages insupportables, de révélations aveuglantes, de dialogues pitoyables et de répliques cinglantes, sous lequel se cache un film magistral, ambigu et désabusé, qu'on n'entrevoit malheureusement que le temps d'éclairs aussi fugaces qu'impériaux.

Plus que son titre malheureux, qui lui vaudra d'être fatalement confondu avec l'impardonnable bouffonnerie de Yannick Dahan et Benjamin Rocher (La Horde, en gros une partie de Resident Evil filmée comme un clip de K-Maro), ou sa désolante propension à la citationnite aigüe (maladie typiquement française qui touche la totalité des réalisateurs locaux et qui se manifeste sytématiquement par une avalanche de références lourdingues et de clins d'oeils appuyés à des classiques -ici, en vrac : Massacre A La Tronçonneuse, Evil Dead, La Nuit Du Chasseur et La Nuit Des Morts-Vivants, pour ne citer que les plus évidents- histoire de bien nous rappeler qu'ils sont de toute évidence incapables de se hisser à leur niveau), ce qui traîne définitivement La Meute vers le bas, c'est avant tout son scénario confus, bourré de trous d'air et de détours hasardeux où tentent d'exister une poignée de personnages souvent pénibles, comme ce gang de bikers à faire passer les mongolos post-nuke de Castellari et Martino pour des théologiens calabrais férus de thé noir, ou l'héroïne, punkette bad-ass littéralement assommante durant les 15 premières minutes du film.

Sauf que voilà, passé cet agaçant quart d'heure, l'héroïne en question va finalement s'avérer des plus attachantes (preuve s'il en fallait de l'impressionnante étendue des ressources d'Emilie Dequenne), au fur et à mesure de ses sanglantes pérégrinations sur le limoneux domaine de La Spack (Yolande Moreau, égale à elle-même, autrement dit parfaite) où elle échoue après avoir pris en stop le flegmatique Max, interprété avec une classe inespérée par Benjamin Biolay, qui va immédiatement s'imposer comme un des très gros atouts du film. Car, même si ils ont bien du mal à contrebalancer ses innombrables ratés, La Meute en possède une pleine et venimeuse poignée. Outre la prestation de Biolay, on citera pêle-mêle l'inattaquable photographie qui plonge le métrage tout entier dans un âpre et cotonneux bain d'acier liquide et de tourbe détrempée ; les longilignes goules du film, cinégéniques au possible ; une paire de scènes qui frisent le sublime (la première apparition des goules sous la pluie et la désespérante poursuite finale tout en terreur mélancolique, qui renvoie à celle du génial La Noche Del Terror Ciego d'Armando De Ossorio) et une B.O. absolument irréprochable (du moins pour ce qui est de l'excellent score composé par Chris Spencer d'Unsane et Ari Benjamin Meyers de Einstürzende Neubauten, et du morceau des trop rares Death To Pigs).


Et c'est précisément au détour de ces brefs moments de triomphe que se terre l'essentiel, à savoir la voix du film, ou plus exactement celle de Frank Richard, qui malgré un scénario cagneux et un évident manque d'expérience, réussit à imposer une indiscutable singularité, faite de tristesse ordinaire et de nonsense rural, de cadrages méthodiques et de beignes fondamentales. Rien que pour ça -surtout pour ça- on sait qu'on pourra attendre, confiants, la transformation de ce hasardeux coup d'essai. Parce qu'on sait désormais qu'elle est possible, pour ne pas dire inévitable. Et c'est là finalement la plus grande qualité de La Meute : elle donne salement envie de voir le prochain film de Frank Richard.

Sortie en salles le 29 septembre.

12 commentaires:

  1. Excellente idée d'être "sorti" de Noise pour parler de ce film que je n'ai pas vu et que je n'irais pas voir.
    Hormis les blagues sur la Cotorep et les Calabrais, je suis globalement d'accord avec toi sur la situation du cinéma de genre français.

    Par contre, j'avoue que je trouve le casting assez improbable, ce n'est qu'un a priori qui ne demande qu'à être contredit. Je ne sais pas si le Richard a eu les coudées franches de ce côté là...

    Ensuite, je suis moins optimiste que toi. Il y aura vraiment un second film pour lui si celui-la ne marche pas ?
    Ou alors, il ira le faire à Hollywood, un remake débilitant peut-être, ou un "direct to vidéo".

    Je me demande si pour ce genre de gars, qui sont incapables de faire un plan sans flanquer trois références, il vaudrait pas mieux se limiter au clip ou à la pub...

    Bon, c'est un peu sévère et j'espère me tromper mais c'est comme ça que je le sens...

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  2. Pour ce qui est du casting, je le trouve très bien. Comme je l'ai dit, Benjamin Biolay est vraiment très très bon et on notera aussi que Philippe Nahon a pour une fois un rôle assez original (un genre de détective rural à côté de la plaque assez excellent).

    Si Frank fera un deuxième film, je n'en sais rien. Disons que je préfère garder les options ouvertes de ce côté là (déjà parce que j'aurais vraiment envie qu'il en fasse un autre, tout simplement)

    Pour ce qui est des références, c'est comme de vouloir absolument travailler avec ses potes (ou d'être pote avec les gens avec qui on travaille) : ce sont des maladies franco-françaises très courantes. Cela dit, on en guérit très bien donc, j'ai bon espoir aussi de ce côté là.

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  3. Excellente idée d'être "sorti" de Noise pour parler de ce film que je n'ai pas vu et que je n'irais pas voir.
    @MO :
    Pourquoi tu ramènes ta fraise alors ? Sans avoir vu, et sans même projeter de voir. C'est pas une malade ça aussi ? Et bien plus grave et pénible que la référencite aiguë. Parler pour ne rien dire, sans savoir, en toute circonstance, à propos de tout et de rien, sans maîtriser ni connaître. Pour exister. Un peu.

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  4. Bon, ça va, tu t'en sors bien Lelo, t'es critique mais tout en disant que c'est super. Une chro vraiment étrange d'une certaine façon.
    Mais au-delà de ça, ce que je me demande réellement naïvement, c'est si le risque avec ce genre de film c'est qu'au final, ce soit exactement toutes les mêmes personnes qui vont le voir que le film soit bien ou pas?
    Et allé va monsieur Drago, faut point s'énerver trop non plus, le mo n'a fait que réagir à ce que racontait Lelo plutôt que spécialement descendre le film sans l'avoir vu... Le principe d'une chronique c'est quand même de susciter des réactions ou des interrogations, voire des bons ou mauvais a-priori quand même non?

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  5. "ce soit exactement toutes les mêmes personnes qui vont le voir que le film soit bien ou pas?"

    Hè mais les mecs, vous êtes tous défoncés ou quoi ? C'est quoi cette question ? Comment tu veux savoir qu'un film est "bien ou pas" si tu vas pas le voir ?

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  6. Nan nan, ma question devait pas être claire et je ne dis pas que je n'irai pas le voir, je verrai quand il sortira. Ce que je me demandais, c'était plus de savoir si, la difficulté avec ce genre de film n'est pas que -bon film ou pas- les fans du genre iront le voir de toute façon et qu'à partir de là, réussir à se démarquer en terme d'entrée est difficile.
    C'était ni une critique ou quoi, juste une interrogation générale sur la sortie de films de zombie et affiliés.

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  7. Pas possible c'est la chaleur ou j'ai l'impression d'avoir laisser des neurones sur le plancher en lisant des comments de mecs qui n'ont même pas vu le film et qui gerbent des tirades à tour de bras toutes aussi opaques les unes que les autres.
    Merci LJB pour la chro, et ce film que j'irais surement voir.

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  8. 'tain je déteste B Biolay mais là ça m'intrigue...

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  9. Tout comme Haz, ce film m' intrigue: l' affiche est excellente (bravo Tanxxx), la B.O est alléchante (Death To Pigs...la classe!) et le casting est mortel malgré la présence de Biolay mais bon, je veux bien lui laisser une chance. D' ailleurs, si quelqu' un a des infos au sujet du score, ça m' intéresse....
    Pour le film en lui même, j' attends de voir malgré les critiques plutôt mitigées que je lu pour le moment.Les dialogues sont ,parait il, de haute volée : "ma bite a rendez vous avec son cul" ...tout un programme! Les goules, en tout cas, on de la gueule! Tout comme Monsieur 'Noise', le donneur de leçon: "pourquoi tu ramenes ta fraise?" J' ai envie de te poser la même question? Tu veux défendre le film de ton pote, t'as toutes les pages de ton mag (que je lis au passage) pour çà! Malheureusement, le cinéma d' horreur- fantastique, ça marche pas en France. Tu n' as qu' à regarder les chiffres de Martyrs, la Meute, Mutants, à l' intérieur etc...que des bides monstrueux malgré la qualité de certains.Il y a donc de grandes chances pour que ce film se casse lui aussi la gueule. Alors arrête de t' exciter pour quelques malheureux comments sur un blog,souffle un coup, et ça passera mieux.

    Mauricio

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  10. J'ai l'intime conviction que ce film va cartonner dans sa niche. L'affiche éclate la gueule quand même. Et Yolande Moreau elle est bankable. Biolay devrait se lancer dans le cinéma, il semble bien plus convaincant dans ce domaine.

    herEgen

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  11. "Tu n' as qu'à regarder les chiffres de Martyrs, la Meute, Mutants, à l' intérieur etc...que des bides monstrueux malgré la qualité de certains."

    Alors si j'puis m'permettre, les chiffres de La Meute, on les a pas puisqu'il est pas sorti. Par contre, La Horde, oui.
    Qu'on ne porte pas la poisse à La Meute !!!

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  12. @ MO : Eh ben dis moi, tu as l'air bien sûr de l'avenir "du Richard" aka "ce genre de gars". Ton a priori "qui ne demande qu'à être contredit" sur le casting, ça va être difficile de le contredire justement puisque tu n'iras pas voir le film. Etrange affirmation du coup... Et pourquoi ce "genre de gars" devrait se limiter au clip ou à la pub puisque tu ne comptes pas voir ses films ? Au moins, s'il reste dans le cadre du cinéma tu auras toujours le choix de ne pas voir son travail, que tu ne connais pas mais qui est quand même mauvais si je comprends bien, alors qu'avec la pub ou les clips, tu risques de tomber dessus sans faire exprès et de subir. Dur...

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