La question de savoir si j'allais aimer ou pas A Single Man ne se posait pas un seul instant : j'avais ouvertement décidé que ce film allait m'emmerder au-delà des limites du raisonnable et que je n'allais supporter ses 1 heure et 39 minutes que grâce à Juliane Moore qui, détail non négligeable, avait ici l'air encore plus belle qu'à l'accoutumée avec son amphigourique monticule de cheveux et ses postures de triomphe déliquescent. Que voulez-vous, les Méditerranéens ont un faible pour les rousses, c'est comme ça depuis les premières orgies Etruriennes et ça ne changera jamais.
Le fait est qu'à l'arrivée, c'est précisément l'inverse qui s'est produit. Contrairement à ce que laissaient penser les affiches et les vagues extraits aperçus ici et là, Julianne Moore, en plus de n'avoir qu'une scène et demi dans tout le film, fait surtout peine à voir dans son rôle de suburbian bourgeoise à la dérive, perdue entre ses regrets et sa bouteille de gin. Le film, lui, loin de m'emmerder, m'a, au-delà de toute attente, carrément enthousiasmé malgré ses terrifiants défauts.
Comme vous l'aurez sans doute déjà lu et entendu 146 fois ailleurs, oui, chaque plan à l'air de sortir tout droit des pages d'un Vogue Homme millésimé 1962 (c'en est presque embarrassant durant les 5 premières minutes où on s'attend à tout moment à entendre une profonde voix-off venir souffler un "Chanel, pour homme" pur velours), mais loin de rendre A Single Man vide, creux, poseur ou aseptisé, cette obsession maniaque du goût sûr se fond avec le même naturel que la lumière orangée de Pasadena dans le quotidien pathétique et désespéré de George Falconer, professeur d'université dévasté par la mort de son amant, et dont le but avoué au début du film est de, chaque matin, "tenir bon jusqu'à la fin de la journée".
Si il faut chercher des poux à A Single Man ce sera donc ailleurs : dans l'envahissante partition d'Abel Korzeniowski, dans les scènes de drague surannées, dans la philosophie scolaire de certains échanges, ou chez une poignée de personnages secondaires balayant les limites du n'importe quoi, comme l'évanescent sosie de Brigitte Bardot, le jeune étudiant à pull mohair ou l'impayable michetonneur gominé qu'on croirait tout droit issu des fantasmes conjoints de Levi's et Gus Van Sant circa 1990.
C'est d'ailleurs la scène où apparait ce dernier qui résume finalement le mieux A Single Man : alors que tout est réuni pour aboutir à un pur moment d'anthologie (outre les fringues, les voitures et l'allure générale, la rencontre entre les deux hommes se déroule sur un parking baigné par le soleil rouge de la fin de journée, devant une gigantesque affiche de Psychose), la scène alterne fulgurances et maladresses avec un équilibre aussi frustrant que minutieux, là où elle aurait pu, avec un peu moins de pose, un doigt de tension et une fière pile de tripes, filer droit vers le chef d'oeuvre. Reste la touche de Ford, impressionnante pour un premier long, et qui repêche presque à elle seule A Single Man, lui insufflant suffisamment de passion et de race pour le faire passer de la tourbe des semi-plantades au terreau fécond des quasi-coups de maître.
- Pour Un film d'hommes, au sens strict du terme. En rentrant de la séance, je n'avais qu'une envie : prendre une douche, me raser, enfiler une chemise propre et me servir un verre. C'est d'ailleurs exactement ce que j'ai fait.
- Contre C'est sûr que si vous n'avez que des sweats à capuche dans vos armoires, vous risquez d'avoir un peu de mal à rentrer dedans.
hell yeah! j'avais pas vu cette chro!
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