La petite ville de 4500 habitants dans laquelle j'ai passé la majeure partie de mes 16 premières années ne dérogeait pas à la règle : on n'y trouvait pas le moindre escalier roulant, en revanche, elle promettait chaque jour de riches rencontres au détour de ses rues tortueuses et moussues.
Outre le moniteur d'auto-école spécialiste des sciences occultes, la vendeuse unijambiste du vidéo-club et les deux fils du gérant de la casse locale, qui arpentaient la ville sur d'antiques bicyclettes, vêtus de larges gabardines et armés de carabines à plomb, on pouvait ainsi y croiser la pouacre silhouette du propriétaire du cinéma de la grand' place, personnage rude de moeurs à l'hygiène discutable et l'embonpoint évident, dont les choix de programmation (horreur, pornos mous et blockbusters) et la politique d'admission (malgré les interdictions aux moins de 13 ou 18 ans, à peu près tout le monde rentrait) ont rendu de ma pré-adolescence plus supportable.
Et de tous les films que j'ai pu voir dans la salle de cette sinistre ordure, Bloody Bird de Michele Soavi reste probablement mon plus indélibile souvenir. Giallo fin de race où les solos de saxo et les stabs de DX-7 ont remplacé les divas tristes et hululantes de Morricone et Nicolai, où les meurtres perdent en style mais gagnent en brutalité, où les femmes sont faibles et vulgaires là où jadis elles étaient cruelles et lascives, Bloody Bird (également connu outre-Atlantique sous le nom de Deliria, Aquarius ou encore Stage Fright) se fera néanmoins une place de choix dans le grand livre de la Tripe grâce à son terrifiant tueur à masque de hibou, à un infernal enchaînement de saignées hardcore (mention spéciale à l'attaque à la tronçonneuse total cartoon) et à d'éprouvants moments de tension pure sur lesquels le temps n'a de toute évidence aucune emprise (la scène de l'attente dans la voiture sous l'averse, ou celle, incroyable, dans les douches).
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Disponible chez Neo Publishing.
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