mardi 10 juillet 2012

Dogs In Space (Richard Lowenstein, 1986)


5 bonnes raisons de (re)voir Dogs In Space :

  • Objet de culte absolu en Australie, Dogs In Space pourrait passer, après un rapide balayage en diagonale, pour un rip-off insulaire du Suburbia de Penelope Spheeris (sorti deux ans plus tôt et habilement retitré en France Les Loubards). Punks perdus-cheveux gras, musique omniprésente, absence de scénario et unhappy ending, ok, ok, on connaît l'histoire. Sauf que Dogs In Space est à peu près 425 fois meilleur.

  • Inspiré de la vie de Sam Sejavka (sub-Nick Cave connu pour avoir été le leader de The Ears à la fin des années 70, puis des atroces Beargarden, avec qui il a eu un semi-hit en Australie en 84), Dogs In Space raconte les déboires d'une bande de punks de Melbourne, partageant une gigantesque maison dans laquelle vont se dérouler les derniers mois de leur vie d'adolescents, avant de prendre le chemin de l'Université, de trouver un travail ou de mourir d'overdose (au choix). Centré autour du couple formé par Sam (Michael Hutchenche, alors en route vers la gloire inter-planétaire) et Anna (Saskia Post, dont l'essentiel de la carrière se fera à la télévision), le film vaut avant tout pour son authenticité saisissante (facilitée par l'absence quasi-totale de trame narrative) et ses personnages ultra-réalistes (certains trouveront peut être que Hutchence en fait des caisses dans le rôle de Sam, mais si vous avez déjà eu affaire à ce genre d'énergumène, vous savez qu'il est pile dedans).

  • Si Dogs In Space sonne aussi juste, c'est parce qu'il a été écrit et mis en scène par Richard Lowenstein, réalisateur de docu-dramas sur les révoltes minières des années 30, de cash-ins hasardeux avec Pete Townshend, de clips pour U2 et INXS, mais surtout colocataire de Sam Sejavka au moment des faits, et ami intime de Hutchence (à qui il dédiera un film en 2001, le plus que recommandable He Died With A Felafel On His Hand). Le type connaît donc son sujet et ses acteurs, et a suffisamment utilisé son matériel pour faire la différence entre un clip et un long métrage : mise en scène impeccable, photographie total prestige, souci maniaque du détail, on est ici plus proche de River's Edge que de Sid & Nancy.


  • Dogs In Space est très clairement le seul film que vous pourrez jamais voir sur la scène post-punk australienne de la fin des années 70. Outre Dogs In Space (le "faux" groupe du film, vaguement calqué sur The Ears, qui signe deux excellents morceaux pour l'occasion, "Dogs In Space" et "Golf Course", entre Screamers et les premiers Birthday Party), on notera les prestations des incontournables Primitive Calculators (en gros, Babyland avec 15 ans d'avance) ou des plus obscurs Thrush & The Cunts. La B.O. du film, parfaitement indispensable, réunit la quasi-totalité des titres en question (ceux de Dogs In Space étant crédités à Michael Hutchence), plus une poignée de morceaux de Brian Eno, Gang Of Four, Boys Next Door et Iggy Pop.


  • Dogs In Space contient une des meilleures scènes de playback filmées par la main de l'Homme. On y voit Ollie Olsen (pilier du synth-punk à qui l'on doit notamment les géniaux Whirlywirld et NO) reprendre le "Win/Lose" de Whirlywirld, accompagné par un magnétophone à bandes. Ça ne dure que quelques minutes, ça oscille élégamment entre le génie outrancier et le ridicule absolu, et le morceau est accessoirement le truc le plus imparable et obsédant qu'il vous sera donné d'entendre dans un film des années 80, juste devant le "Goodbye Horses" de Q. Lazzarus (que Jonathan Demme avait déjà casé dans le pénible Married To The Mob avant de le réutiliser pour Le Silence Des Agneaux) et le délicieusement irritant "To Live And Die In L.A." de Wang Chung.


Après avoir longtemps circulé sur des copies semi-officielles à l'image et au son au delà de l'approximatif, Dogs In Space est aujourd'hui disponible chez Umbrella Entertainment dans une excellente édition DVD et Blu-ray, qui contient également les deux premiers courts-métrages de Richard Lowenstein (Pedestrian et Punk Line) et le documentaire We're Living On Dog Food, consacré à la scène post-punk de Melbourne.

Tronquée, censurée et publiée dans une demi-douzaine de versions différentes, la bande originale du film est aujourd'hui way out of print et il vous faudra compter environ 25 euros pour le vinyle de la version censurée (pochette blanche) et entre 100 et 150 pour la version originale (pochette noire). Un rip vinyle de la version censurée (sur laquelle les titres de Primitive Calculators et Thrush & The Cunts sont présentés en version instrumentale) est disponible ici. Une mise à jour de l'édition originale, augmentée de titres manquants, est également téléchargeable ici. A noter qu'il existe, en parallèle, deux excellentes compilations consacrées au post-punk australien sur lesquelles on retrouve quelques-uns des groupes du film : Can't Stop It! Australian Post-Punk 1978-82 et Can't Stop It! II Australian Post-Punk 1979-84.

Une version condensée de ce post figurera dans le prochain hors-série Tsugi, 100 films musicaux à (re)découvrir, qui sera en kiosque le 21 juillet. J'y parle également de Liquid Sky, The Decline Of Western Civilization I, II & III (sur lesquels je reviendrai plus en détails ici durant l'été, une fois que le magazine sera sorti) et Intrepidos Punks (inénarrable biker-flick mexicain auquel j'avais consacré un des tous premiers posts du blog).

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