jeudi 28 octobre 2010

Another Month, Another Riot


Pas assez de bars nazis et de concerts pourris ce mois-ci pour un report horaire, on passera donc en mode mensuel pour cette édition d'octobre de Another Day, Another Riot. Chronologie et mise à sac oblige, on commencera tout logiquement par l'exceptionnelle date du vendredi 8, où se sont succédés sur la scène de Mains D'Oeuvres pas moins de 4 groupes parmi les plus excitants de ces dernières années : J.C. Satan, Yussuf Jerusalem, Black Bug et Digital Leather, pour ce qui restera définitivement comme LE concert de 2010, dont vous pouvez d'ailleurs voir ci-dessous l'affiche signée Elzo (ne cherchez pas le nom des groupes, ils étaient au dos).


Arrivés très tôt avec Cléo et rapidement rejoints par Tist, on débutera la soirée dans un PMU qui s'avèrera bizarrement très fréquentable (serveur aimable, verres immaculés, bière presque fraîche). Trop, peut être, puisqu'on finira par en oublier l'heure, ce qui nous vaudra de rater les trois-quarts du concert de J.C. Satan mais de réaliser que le public s'est déplacé en nombre et qu'il est -comme souvent à Mains D'Oeuvres- de qualité prestige : les filles sont belles, les garçons aussi, la présentation est soignée mais personne n'a visiblement prévu de rester les bras croisés, même si l'ambiance restera très sage durant le court set de Yussuf Jerusalem. Il faut dire que si le groupe de Benjamin Daures a enfin retrouvé son batteur (qui ressemble à une version Judd Apatow de Benoît Carretier, le rédac-chef adjoint de Tsugi), il est ce soir clairement en mode laid-back, privilégiant les morceaux les plus retenus de A Heart Full Of Sorrow et ne lâchant vraiment les rênes que le temps de l'inévitable "Gilles De Rais".


Tout l'inverse des suédois de Black Bug (dont c'était le -très attendu- premier concert en France). Pillonnage synth-punk sans merci aucune, public hystérique, slams suicidaires, pogos erratiques, son criminel, énergie inhumaine : en 25 minutes c'est plié, pas de rappel, pas de conneries, la salle est dévastée et l'assemblée terrassée. Evidemment, après une rossée pareille, impossible d'enchaîner, on abandonnera donc Digital Leather (pourtant en très grande forme) à la moitié de leur set pour aller se remettre du choc devant les dernières pintes de la soirée, en compagnie de Garance, qui nous a rejoint à mi-parcours.


On rempile dès le lendemain (samedi 9) pour la dernière date du festival Factory à la Cigale et accessoirement le grand écart de l'année, entre les pitoyables Detachments et les flamboyants !!!. Pourtant un des tous meilleurs groupes issus du marasme néo-dark ambiant (on ne saura que trop recommander leur indispensable premier maxi, Fear Not Fear paru en 2008), les londoniens de Detachments ont livré dans une Cigale à moitié vide le show le plus embarrassant qu'il m'ait été donné de voir depuis celui d'Amanda Blank en première partie de Santigold l'an dernier à l'Elysée Montmartre.


Un chanteur atrocement gauche, suant des leçons apprises à la peine dans le Petit Ian Curtis Illustré, un clavier bedonnant qu'on jurerait tout droit sorti d'une des dernières incarnations de The Beautiful South et un batteur roux, frisé, jouant au casque : on dérape déjà très largement par delà les limites tolérées, lorsque débarquent en complément de ce très hasardeux line-up deux ballerines à la grâce discutable et à la technique approximative, pour ce qu'on interprétera comme une tentative désespérée de se raccrocher au wagon rococo-whatever des inénarrables Hurts. Au bout de trois titres, le public ne se donnait déjà même plus la peine d'applaudir. Sordide.


Désormais pleine à craquer, la Cigale offre un accueil nettement plus ardent à !!!, qui fait immédiatement monter l'ambiance d'une trentaine de crans. Le premier morceau n'est pas encore fini que Nic Offer (qui ressemble de plus en plus à Stéphane Guillon) a déjà fait trois allers-retours dans la fosse et s'est définitivement transformé en pile de linge sale. Peu importe alors que le !!! de 2010 ressemble plus au backing band de Michel Jonasz qu'aux Happy Mondays, l'énergie et la maestria restent (le break de "Me And Giuliani Down By The Schoolyard (A True Story)" provoque toujours la même assourdissante vague d'hystérie collective), la capacité a surprendre aussi ("Intensify", un des meilleurs morceaux de leur premier LP, joué en rappel à la surprise générale, dans une version totalement reconstruite). La classe.


Standing nettement moins élevé mardi 19 pour le concert d'Aucan. Tout le monde ou presque a beau avoir fait le déplacement (Dragz, les jumelles, Steph, Cath, Frank Richard), personne ne semble pour autant décidé  à abandonner le trottoir pour s'engouffrer dans le Klub, une salle où les trois-quarts d'entre nous s'étaient d'ailleurs jurés de ne plus jamais mettre les pieds. Une promesse réitérée dès notre entrée dans la nauséabonde alcôve où jouent ce soir les italiens. L'impression d'être happé par de pestilentielles muqueuses exsudant une rustre odeur d'alcool éventé, de sueur aigre, de pets rances et de bile tiède, on se place tant bien que mal dans les coursives du club en espérant vaguement apercevoir ce qu'il se passe sur scène (il est en effet un rien péremptoire de parler de "voir" dans un endroit comme le Klub). Au final, on ne retiendra pas grand chose, si ce n'est qu'Aucan reste un des groupes les plus passionnants du moment et qu'il mérite définitivement mieux que cette salle fétide et impraticable, véritable insulte aussi bien pour les groupes qui y jouent que pour leur public.


A peine plus spacieux mais autrement plus convivial, le Pop In accueillait mardi 26 la release party du premier EP de Mensch, projet electro-rock de Vale Poher et Carine Di Vita. Une soirée à la limite de la pantouflade vu la concentration de têtes connues au (Steffy, Nolwenn, Garance, Sev, Ludi, Fany Kill The DJ, Zoé Konki Duet - qui, en même temps, avait tout intérêt à venir, vu qu'elle assurait la première partie) et la quantité d'alcool pur consommée avec fureur et renversée avec fracas durant les quelques heures passées entre les murs du bar de la rue Amelot. Par charité envers certain(e)s, on évitera donc de s'étendre pour se limiter à l'essentiel : à savoir que Mensch est définitivement un groupe qui vaut infiniment plus que son très sage premier maxi (disponible en vinyle et en téléchargement gratuit sur leur site) et qu'il sera possible de le constater à nouveau le 25 novembre sur la scène du Point Ephémère, où Vale et Carine joueront aux côtés de Battant à l'occasion d'une soirée organisée par la revue Multitudes.


C'est justement au au Point Ephémère qu'on termine cette session d'octobre, avec le très attendu concert de Blank Dogs, mercredi 27. Une date à laquelle je me suis pourtant rendu à reculons, pas vraiment convaincu par le dernier album de Mike Sniper (Land And Fixed, sorti sur son label Captured Tracks) et encore moins par l'idée de devoir supporter les pathétiques Project : Komakino en première partie. Première bonne surprise : le Point Ephémère est relativement supportable ce soir. Moins vide que je ne l'aurais imaginé, pas exactement blindé non plus, et investi par un public correctement dosé, entre jeunes hipsters et vieux raseurs. Deuxième bonne surprise : Project : Komakino ont été remplacés par les Parisiens de Frank (Just Frank).


Look agencé en dépit du rien à foutre (jean vert pomme + moustache + coupe bol pour le bassiste/chanteur ; casquette, cachexie aggravée et t-shirt black metal XL pour le guitariste/chanteur), déhanchés cold-wave millésimés, chant approximatif et guitares cristallines : Frank (Just Frank) effraie à peu près autant qu'il fascine. Effraie, parce que voir deux types creuser le poussiéreux sillon de Clair Obscur et Little Nemo en 2010 a quelque chose de légèrement alarmant. Fascine, parce que les voir jouer cette musique avec autant de conviction, de spontanéité et de sensibilité (et accessoirement un goût pour les clins d'oeils appuyés, comme sur "Coeur Hanté", décalque du "Mary Sleeps Alone" de Mary Goes Round, lui même déjà un rip-off du "God's Zoo" de Death Cult). Bref, pas de quoi justifier l'engouement qu'ils suscitent ces jours-ci outre-Atlantique, mais déjà largement ce qu'il faut pour s'assurer de passer un authentique moment velours.


On passe très clairement au calibre supérieur avec Blank Dogs, aussi bien rayon freak show (Mike Sniper transpirant sous sa parka, un batteur qui joue debout et sonne comme une boîte à rythmes hors d'âge, une guitariste/claviériste quelque part entre le Cousin Itt de la Famille Addams et ces jeunes filles aux cheveux sales et aux spectaculaires scolioses dont raffole le cinéma fantastique japonais) que défonce mercurielle (sublime version de "Northern Islands" qui finira par me réconcilier définitivement avec le déconcertant nouveau LP du groupe). Nerveux, rageur, abrasif, le groupe de Sniper, lunatique procession de corps brisés s'affairant dans l'ombre, livrera un set aussi fiévreux qu'irréprochable, se fendant en fin de parcours d'un rappel inespéré (une longue version de "Heat & Depression"), de quelques sourires et, à l'arrivée, de la seconde empeigne majeure de l'année. Absolument sublime.

Note : Les photos de Detachments, !!!, Frank (Just Frank) et Blank Dogs sont de Robert Gil, collaborateur canal historique de Noise, et sont visibles dans leur intégralité sur son site.

3 commentaires:

  1. ouais!! beaux concerts d'octobre, parfaitement!
    mais tu es vilain, je suis arrivée plus tôt qu'à mi-parcours puisque j'ai entendu le dernier morceau de JC Satan.
    Et je regrette d'avoir raté Blank Dogs au Pt Ephemère du coup.

    RépondreSupprimer
  2. qu'est ce que je n'aime pas cet LP de Blank Dogs... mais bon, ça a l'air apparemement mieux en concert.

    excellent report, les descriptions physiques sont dignes des plus grands auteurs de la littérature.

    RépondreSupprimer
  3. moustache et pantalon vert pomme, ça plaît aux femmes, ça!!

    RépondreSupprimer