mercredi 12 mai 2010

A Nightmare On Elm Street (Samuel Bayer, 2010)


Freddy Krueger, c'est comme Magic Johnson et les Red Hot Chili Peppers : on a beau savoir qu'ils sont techniquement toujours vivants, on n'en reste pas moins persuadés qu'ils ont disparu à jamais en 1991, date à laquelle le meneur de jeu des Lakers prend sa retraite, où le groupe de L.A. sort son dernier disque valable, et où le croquemitaine à pull rayé ferme définitivement boutique, avec le calamiteux Freddy's Dead - The Final Nightmare (Rachel Talalay, 1991). Et même si Magic Johnson rejouera par la suite, si les Chili Peppers feront une série de concerts mémorables en 1992, et si Freddy apparaîtra encore dans deux films (le très borderline mais excellent New Nightmare (Wes Craven, 1994) qui contient une des plus belles scène de flippe de toute la série, et l'indéfendable Freddy vs. Jason (Johnny Yu, 2003), spectacle à peu près aussi embarrassant qu'un come back d'André Lamy en tandem avec Gérard Loucine sur la scène du Canotier), rien n'y changera vraiment : le meilleur était désormais loin derrière et on ne pouvait décemment plus rien y faire.


Mais à l'heure ou Magic Johnson n'apparaît plus en public que pour donner des autographes dans des fast-foods et où John Frusciante vient de quitter une bonne fois pour toutes les Red Hot Chili Peppers, la face de pizza de Elm Street est, elle, bien décidée à faire un tonitruant come-back avec ce remake signé Samuel Bayer (réalisateur de clips pour Offspring, Pat Benatar, Garbage, Blink 182, Sheryl Crow, les Cranberries et Green Day : autant dire que le mec sait ce que c'est qu'un cauchemar). Un reboot dont la volonté première est de revenir à un film de pure terreur après les années de gaudriole qui ont fini par tuer le personnage. Parti-pris pas franchement rassurant quand on sait que le seul film de la série a avoir joué la carte du premier degré (A Nightmare On Elm Street Part 2 - Freddy's Revenge (Jack Sholder, 1985)) est aussi le moins intéressant (Freddy y devient un tueur lambda évoluant dans le monde réel, transformant de fait le film en banal slasher), loin des coups de génie du film originel (A Nightmare On Elm Street (Wes Craven, 1984)) et de l'incroyable A Nightmare On Elm Street 3 - Dream Warriors (Chuck Russell, 1987), qui ont définitivement moins à voir avec Vendredi 13 ou Halloween qu'avec une version 80's d'Alice Au Pays Des Merveilles où Alice serait lycéenne et écouterait du hard FM et où le lièvre de mars, le chapelier fou, le chat du Cheshire et la reine de coeur ne feraient plus qu'un sous le pull loqueteux de Freddy Krueger.


Le moins que l'on puisse dire c'est que, de ce côté là, le film de Bayer est plutôt réussi, tant l'ambiance générale du métrage est sinistre, voire franchement désespérée. Le souci, c'est que c'est malheureusement une des rares qualités de ce A Nightmare On Elm Street version 2010, avec l'utilisation de phases de sommeil ultra-courtes (idée relativement efficace) et l'excessive scène de fin, quasi-identique à celle de la version originale mais fatalement supérieure (rappelons que cette scène, totalement reniée par Wes Craven, avait été tournée en dernière minute à la demande des producteurs du film qui voulaient une fin pouvant justifier d'éventuelles séquelles).


Pour ce qui est du reste, on dérive à vue dans la tourbe des pénibles : générique débilitant (façon rip-off coréen de Se7en ou série avec détective-médium qui parle aux morts), casting consternant (sans forcément parler du faible niveau de jeu ou du stupéfiant manque de charisme global, le simple fait que les filles aient toutes la petite trentaine alors que les garçons sont à peine majeurs pose tout de même un sérieux problème de crédibilité), décorum ronflant (chaînes, rideaux sales, têtes de porcs morts... Depuis quand les gens rêvent de têtes de porcs morts ? Les gens rêvent de toilettes en peau de serpent, d'hommes-cloche ou d'escargots trilingues, pas de têtes de porcs morts) et scènes désolantes (notamment celle -pourtant impressionnante dans l'original- où une des filles est projetée contre le plafond, qu'on croirait ici tout droit sortie d'un Scary Movie - mais un bon cela dit, parce que c'est franchement désopilant).


Mais tout ça ne pèse finalement pas très lourd face au véritable point noir de ce remake, à savoir le personnage de Freddy lui-même. Retravaillé et re-designé afin de paraître lui aussi plus réel et effrayant, et interprété par le très à-propos Jackie Earle Haley (qui avait réussi le tour de force de sauver à lui seul la pataude adaptation façon "cd-rom Hachette pour fanboys" de Watchmen), il donne à A Nightmare On Elm Street l'impulsion nécessaire dont il avait besoin pour définitivement franchir la barrière Matteï (nf, désigne en termes cinématographiques la barrière qui sépare un film classique -aussi mauvais soit-il - de l'oeuvre de Bruno Matteï, ex : Bad Lieutenant - Port Of Call New Orleans, syn : barrière Cage).

Répliques plus faisandées que jamais (certaines provenant directement des films précédents comme le "How's that for a wet dream ?" de A Nightmare On Elm Street 4 - The Dream Master (Renny Harlin, 1988), entrées en scène catastrophiques (la fameuse scène où il espionne l'héroïne à travers le mur de sa chambre totalement ruinée par un effet numérique aussi ridicule qu'illisible) et psychologie remaniée (plus-value horrifique oblige, Freddy est désormais ouvertement pédophile. Gageons que ses accointances avec Al-Quaida seront révélées dans une des séquelles à venir), le Freddy 2010 se singularise avant tout grâce au prodigieux relooking dont il a fait les frais et qui l'impose désormais comme le point de fusion terminal entre Crazy Frog et François Mitterrand. Peu importe alors la déception : avec ce seul élément, A Nightmare On Elm Street réussit au moins sur un point crucial, en faisant reculer par delà l'injure les limites connues de l'horreur graphique.



Sortie en salles aujourd'hui.

8 commentaires:

  1. entièrement d'accord sur "le très à-propos Jackie Earle Haley qui a réussi le tour de force de sauver à lui seul la pataude adaptation façon "cd-rom Hachette pour fanboys" de Watchmen)" et sur le Jason vs Freddy qui est une daube absolue à base de combats de catch mollassons; et ce remake, c'est un peu le truc qui donne pas envie par excellence, j'attends de voir quand ils sortiront celui du Sous-sol de la peur

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  2. Michael Bay sera-t-il un jour impliqué dans quelque chose de décent ? Cela dit je ne suis pas un fan du premier Freddy, je lui préfère qquns des suivants.
    En fait la seule chose qui m'attirait dans ce remake est le nouveau maquillage. Les originaux m'avaient toujours plutôt fait rire... Visiblement ça ne suffit pas ^^

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  3. Pas du tout d'accord pour "Freddy VS Jason", qui est tellement abusé qu'il en devient tout à fait défendable !
    Par contre, je découvre à l'instant ton blog, et bordel, j'aime ton écriture.
    Voilà voilà.

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  4. Merci beaucoup pour cet article !
    J'ai une petite question qui va vous paraître un peu farfelue mais tant pis je me lance :
    je viens de voir le film en V.O. et à un certain moment Freddy raye un tableau noir avec ses griffes dans une salle de classe et cite les paroles d'une chanson, mais je n'arrive plus à me souvenir de laquelle ? Et apparemment, je suis la seule parmi mes amis à l'avoir remarqué.
    On reconnaît bien ici les petits traits d'humour de notre cher Freddy.
    Si quelqu'un pouvait me rappeler cette réplique, ce serait super gentil.

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  5. Ça y est, j'ai trouvé : c'est "Ready or not" des fugees :
    Quarantième seconde :
    http://www.youtube.com/watch?v=zx_2ia_VmpI&feature=related
    "Ready or not, here i come..."
    C'est un hommage, il parle de lui dans la chanson : "...No more money in my bags...
    Nightmares, getting closer
    I slept on elm street, freddy kruger
    Woke up with a german luger
    Black serial killer, man turns to gorilla..."
    "...Ready or not, here i come..."

    Si ça se trouve, il y a plein de clins d'oeil de ce type dans le film !
    Ça donne envie de le revoir, juste pour ça !

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  6. Moi Freddy Krueger j'ai jamais accroché.Par contre j'aime bien François Mitterand, j'aime le genre d'homme qu'il est.

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  7. Tu veux dire un homme, un vrai ?

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  8. Y'a un truc que j'ai jamais compris dans la saga de Freddy Krueger :

    Si c'est les parents des gamins qui sont responsables du meurtre originel de Krueger, pourquoi Krueger passe son temps à s'attaquer à leur merdeuse progéniture ?

    Ceci dit j'ai bien aimé qu'il y ait, dans ce remake, une VRAIE filiation entre Krueger et les ados : ils les a niqués, ils ont poucave, et ils veux sa revanche. Mais dans l'original, on se demandait vraiment pourquoi Freddy perdait son temps à charcler les merdeux alors qu'il pouvait à chaque instant se faire les remps...

    Bref...

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