lundi 8 février 2010

Drowning By Numbers (Peter Greenaway, 1988)

Tous ces événements étranges reliées à Peter Greenaway ont commencé quand j'avais dix ans, peut être onze. Il y a d'abord eu cette obsession pour Meurtre Dans Un Jardin Anglais (The Draughtsman's Contract, 1982) à cause d'un article paru au moment de sa sortie vidéo, au milieu des années 80. L'intrigue avait l'air tellement compliquée et astucieuse que, pendant des mois je n'ai eu cesse d'en relire le résumé au dos de la VHS qui trônait dans le vidéo-club de mon quartier, qui -comme tous les vidéos-club dans les années 80- empestait le tabac froid et était tenu par une matronne aussi vulgaire que véhémente (et, qui plus est dans ce cas très précis, unijambiste).

Cette jaquette a longtemps été tout ce que j'ai pu voir de Meurtre Dans Un Jardin Anglais mais l'obsession est restée, maintenue en éveil jusqu'à la fin des 80's au travers des bandes-annonces du Ventre De L'Architecte (The Belly Of An Architect, 1987), de Drowning By Numbers (1988) et Le Cuisinier, Le Voleur, Sa Femme Et Son Amant (The Cook, The Thief, His Wife & Her Lover, 1989) qui me donnaient tous l'impression curieuse et fascinante de films à la fois tristes et malsains. J'ai vu tous ces films bien des années plus tard, et, même si je les ai évidemment adorés, aucun d'entre eux ne s'est avéré totalement fidèle à l'image fantasmée que j'en avais eu pendant des années, exception faite de Drowning By Numbers.


Les événements ont continué durant les années 90. Pendant un de ces après-midi de désoeuvrement comme on en connaît quotidiennement lorsqu'on étudie des matières aussi futiles que l'écriture de scénario ou la phonétique de l'Anglais courant, je m'étais retrouvé devant le cinéma d'art et d'essai situé à deux pas de chez moi, à attendre le début d'une séance qui n'intéressait de toute évidence personne. Dans l'aveuglante lumière d'avril, j'ai vu arriver trois filles à l'élégance outrancière et aux chaussures rouges se diriger droit vers l'ouvreur et lui demander si la projection des courts-métrages de Peter Greenaway avait commencé. Il leur répondit que non avant d'ajouter qu'elles avaient tout leur temps vu que cette séance n'était prévue que pour la semaine suivante. Elles restèrent devant le cinéma un instant, à se balancer d'un pied à l'autre en s'échangeant des regards d'incompréhension amusée avant de disparaître dans un dernier battement de cils plein de mystères et de vice.

Je suis donc revenu la semaine suivante, moins pour voir ces courts-métrages de Greenaway dont je n'avais à priori rien à foutre, que pour relever l'identité précise de ces trois filles aux goûts sûrs et aux formes pleines. Pour faire court, des trois filles une seule est venue, et moins d'une semaine plus tard, j'inspectais sa bibliothèque pendant qu'elle prenait sa douche. Elle étudiait l'architecture, avait 5 ans de plus que moi et allait à la piscine tous les jours entre 13h et 14h. On a couché ensemble pendant 3 semaines et fait de vagues projets pendant 8 jours avant de se prendre la tête pendant 1 mois, après quoi on est retourné à nos vies respectives.


Evidemment, si vous avez vu Drowning By Numbers, vous comprendrez la singularité de l'aventure et les troublantes coïncidences qu'elle souligne. Drowning By Numbers raconte en effet l'histoire de trois femmes (dont une championne de natation) qui tuent leurs compagnons respectifs en les noyant, le tout encadré par une série de jeux aussi absurdes que complexes inventés par le jeune fils du médecin légiste chargé de l'inspection des corps des trois défunts, et s'inscrivant dans un décompte de 1 à 100 introduit par une comptine au début du film et présent tout au long de l'histoire de façon aussi complexe qu'astucieuse (forcément). Vous n'avez rien compris ? C'est normal. Les films de Greenaway sont inracontables, et celui-ci l'est encore moins que les autres. Ce qui explique sans doute pourquoi, après toutes ces années d'événements étranges et d'incompréhensibles obsessions , il reste mon préféré.

D'ailleurs, maintenant que j'y pense, ça fait bien deux ans que Cléo n'arrête pas de me bassiner pour qu'on aille à la piscine. Pour un peu, je commencerais presque à trouver tout cela terriblement inquiétant.

1 commentaire:

  1. "Il y a d'abord eu cette obsession pour Meurtre Dans Un Jardin Anglais (The Draughtsman's Contract, 1982)"
    J'ai eu la même dans les années 90. J'étais tombé dessus par hasard chez un pote, sans savoir ce que c'était. J'avais strictement rien compris mais j'étais fascinée. Je me souviens avoir mis des mois pour retrouver le titre et le réalisateur pour enfin le revoir une seconde fois.
    Tu as vu Zoo? J'ai le DVD à la maison, pas encore maté.

    RépondreSupprimer